Temoignage de Nicolas Langlais

«Maintenant, à chaque nouvelle intégration, le conseiller CEJ fait passer le test eva au jeune et tout se passe très bien."

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Nicolas Langlais est conseiller et référent illettrisme au pôle emploi d’Evreux, agence qui comptabilise près de 50 conseillers. Utilisateurs d’eva, il a accepté de revenir sur son usage, son organisation et les bénéfices d’eva autant pour les conseillers que pour les bénéficiaires.

eva

Nicolas LANGLAIS

Comment avez-vous connu eva ? Comment vous l’avez implanté au sein de votre agence ?

J’ai connu eva lors d’une visioconférence sur les outils mis en place par l’ANCLI et ce qui m’a particulièrement plu avec eva, c’est la possibilité de détecter à la fois les situations d’illettrisme, mais également d’évaluer les compétences transversales. Il est parfois difficile d’identifier les personnes en difficulté avec les compétences de base, que ce soit au niveau du calcul, de la compréhension ou de la lecture. Là, quand ils font le test, on s’aperçoit des difficultés et on sait sur quoi on va devoir travailler.

Après la présentation d’eva, j’ai demandé à mes collègues de faire le test puis on a échangé ensemble pour avoir leur retour sur l’outil, puis comprendre collectivement pourquoi ça nous semblait important de le mettre en place au sein de notre agence, et notamment auprès du public jeune. 

Maintenant, à chaque nouvelle intégration, le conseiller CEJ fait passer le test eva au jeune et tout se passe très bien. Les jeunes qui passent ce test le prennent très bien, ils se sentent valorisés par rapport aux compétences. C’est un point positif car le jeune sent qu’il y a des choses à mettre en place en termes de travail, par exemple sur une formation au niveau du français, ils sont d’accord pour être positionnés dessus, donc ça passe plus facilement une fois le test réalisé.

Vous parliez du CEJ, c’est uniquement sur ce type de contrat où il y a d’autres publics à qui vous proposez de passer eva ? 

C’est selon le ressenti qu’on peut avoir avec les personnes que l’on a en face de nous, mais généralement nous utilisons eva lorsqu’un conseiller souhaite orienter un bénéficiaire vers une formation ou alors, si cela a du sens d’avoir un point sur ces compétences, pour son projet professionnel. 

Parfois aussi, lorsque les conseillers ont l’intuition qu’il y a quelque chose qui ne colle pas, au niveau des mathématique ou du Français et dans ce cas-là, il va orienter le jeune sur le test Eva. Une fois les résultats en main, on réalise un entretien, et ça va permettre de dire au jeune: voilà où on en est, qu’est-ce qu’on fait ? Lorsque le test se passe bien, on peut aussi aller au-delà et faire un bilan avec eux, s’il y a des choses à retravailler, des plans d’actions à mettre en place etc …

Du côté des utilisateurs, quelle est la valeur perçue d’Eva?

Je suis au début de mon utilisation d’ eva. J’ai commencé en prenant des bénéficiaires de mon portefeuille qui ont un niveau BEP ou plus bas, et je leur ai fait passer le test en groupe, chacun sur un poste informatique. Je leur ai présenté les centres de formation qui leur permettaient justement de savoir s’ils sentaient qu’il y avait des choses à retravailler avant de passer les tests, ce qu’on pouvait leur proposer, que ce soit au niveau des mathématiques, du Français ou autre.

Ensuite, ils ont commencé eva et j’ai senti au début que ça les faisait un petit peu sourire, pas méchamment, mais plutôt gentiment, puis ils se sont vite lancés dans le jeu, et ils l’ont pris comme un challenge. À la fin, je les ai tous interrogés individuellement avant de quitter la salle, et ils avaient tous pris cette situation plutôt positivement. Ils étaient impatients que je les revois pour faire le point sur les résultats et voir comment on allait avancer sur les plans d’action futurs, ça, c’était plutôt positif. 

C’est original de présenter d’abord les formations avant de faire passer eva !  

Dans ce cas, nous étions dans un centre de formation pour passer les tests, et ça permettait justement de casser un peu les craintes associées aux centres de formation, puisque les jeunes pensent tout de suite à l’école, ce qui les bloque. Là, le système de formation qui était proposé était individuel, une formation spécifique pour chaque personne selon ses besoins, son projet, son niveau.

Pas une formation où ils seraient tous derrière un bureau pour faire la même chose. L’objectif avec eva était d’identifier si il y avait des besoins, mais surtout pas de les forcer tout de suite à rentrer en formation, mais plus de prévoir l’avenir. De telle sorte à ce que si il y a un besoin dans ce domaine, ils puissent être rassurés que ce n’est pas une école, où ce sera de l’enseignement descendant, mais c’est une formation qui est très spécifique et au cas par cas pour chaque personne. C’est très important, car beaucoup ont été traumatisés par l’école et ils ne veulent absolument pas retourner sur des formations pour se perfectionner. Donc ce passage, c’était quelque chose d’intéressant. Et ça a fonctionné, car eva casse aussi  avec le jeu le format d’évaluation.

Et en tant que conseiller, quels sont les bénéfices que vous retire de votre utilisation d’eva ?

Eva permet vraiment d’aborder la situation avec la personne d’une façon beaucoup plus posée, beaucoup plus calme, mais surtout plus sereinement lors d’un échange permis par la passation. J’ai un exemple une personne qui ne voulait pas du tout entendre parler de formation, ni de son niveau, ni de quoi que ce soit, mais quand je l’ai convoqué pour discuter d’eva, il s’est ouvert complètement, il a lâché prise pour qu’on puisse échanger, sans qu’il y ait un blocage. Et en plus, ça lui a permis de voir que certaines de ses compétences correspondaient exactement au métier vers lequel il souhaitait aller, donc derrière cela a été plus simple de pouvoir l’orienter. 

C’est un outil supplémentaire qui permet de détecter, mais qui est complémentaire car il permet vraiment d’ouvrir le dialogue. 

J’ai une autre anecdote avec une personne qui avait déjà fait des formations pour essayer de se de s’améliorer en français, il a fait toutes ses études en France, mais il avait d’énormes difficultés avec son orthographe. À chaque fois qu’il était au travail, il utilisait son téléphone pour vérifier qu’il ne faisait pas de fautes. Et avant de faire eva, il ne voulait pas repartir sur une formation de Français.

Il a fait le test, je l’ai reçu derrière, on a échangé et effectivement ça lui a ouvert les yeux. Après l’échange, il n’y a pas eu de forcing. On ne l’a pas poussé après les tests, il a compris qu’effectivement, le Français était indispensable et qu’il devait se former et au final, il a fait la formation de Français qui s’est bien passée, le centre de formation m’a aussi informé que ça c’était très bien passé. Derrière, cette formation il a ensuite souhaité continuer de progresser sur une formation de math car il a eu un déclic et compris que c’était réellement important par rapport à son projet. Ça permet vraiment d’amener le sujet de la formation plus en douceur et en même temps cela engendre  une prise de conscience du jeune.

Et quelles sont maintenant les prochaines étapes avec Eva? 

L’objectif maintenant ça va être de mettre en place des réunions collectives pour faire le test.

Quand on commence à sentir des lacunes, un problème etc l’objectif sera d’orienter ces personnes vers eva sans qu’elles ressentent qu’on a détecté un problème, mais plus en abordant le sujet des compétences dans sa globalité, l’utilisation des outils, et amener progressivement l’importance des compétences de bases et les dispositifs d’accompagnement possibles.

Il y a beaucoup de personnes qui se cachent derrière leurs lacunes, et malheureusement ça leur est préjudiciable sur le long terme.

Côté outil, est-ce que vous auriez des points d’améliorations à proposer ?

Aujourd’hui eva n’est pas adapté pour les smartphone et c’est pourtant le matériel le plus accessible pour les jeunes. J’ai une jeune qui l’avait fait sur son smartphone et ensuite, elle l’a refait sur ordinateur et ce n’était pas du tout la même chose.

Les jeunes peuvent passer eva sur leur ordinateur personnel depuis chez eux ou bien directement au sein de l’agence. Mes collègues, ça va être surtout sur du Distanciel, donc ça va être sur un ordinateur ou sur tablette ou téléphone de chez eux.La difficulté à laquelle on fait face, c’est le manque de temps. On a tellement de personnes à voir et à suivre qu’on manque de temps justement pour les faire passer directement en agence. C’est aussi la raison pour laquelle, pour contourner ce problème, j’ai mis en place ce plan d’action au sein des organismes de formation.  Pour pouvoir positionner ces personnes dans une salle où ils vont avoir du temps pour pouvoir faire tout ce programme tranquillement sans être dérangé ou être aidés par leur famille et pouvoir faire le test vraiment dans de bonnes conditions. Ce qui est important pour ensuite engager le jeune dans la restitution et aussi assurer une bonne fiabilité des résultats.

Propos recueillis en Juin 2022