Témoignage Mission locale du centre de la Martinique

«eva participe à ne pas remettre les jeunes en situation d’échec, et à co-construire avec eux un parcours de formation  en fonction du projet et pas seulement sur les compétences de base."

illustration de bienvenue

 

eva est un outil déployé au sein de la Mission locale du centre de la Martinique. Après une première expérimentation en 2021, eva a été généralisé en 2022 en tant qu’outil  de diagnostic de départ, en entrée du dispositif CEJ . Hélène Bohlmeijer, chargée de projets numériques, partage avec nous son expérience et ses apprentissages découlant de l’utilisation d’eva. 

 Pouvez-vous nous parler de votre structure et du rôle que vous y tenez ?

 

 

Hélène Bohlmeijer :

Je suis chargée de projets numériques à la Mission Locale du Centre de la Martinique (MILCEM). La MILCEM compte 62 salariés, dont 32 conseillers professionnels, et nous accompagnons environ 7500 jeunes par an.

 

Ma mission principale est de coordonner l’Antenne numérique Pix’M développée son offre de services à destination des jeunes, déployer des outils de diagnostic ou d’accompagnement pour les jeunes et les conseillers  . Au départ, nous avions créé une antenne numérique qui présente toute notre offre de services en dématérialisés : emploi, formation, projet pro, chat pour communiquer avec un e-conseiller quotidiennement, accès à des tutos pertinents pour le parcours, positionnement sur des ateliers, etc. Sur cette antenne numérique, je suis chargée de faire évoluer l’offre donc d’apporter de nouveaux éléments pour les jeunes. Pour cela, je mène différentes actions, dont par exemple une étude que j’ai réalisée pour faire le point sur l’autonomie numérique du public que nous accompagnons et qui a permis de montrer que 24% des 1500 jeunes que nous accompagnons ne sont pas autonomes sur le numérique. Les résultats de cette étude m’ont amené à aller vers d’autres partenariats pour faire avancer la question de l’autonomie générale des jeunes.

 

 

Comment en êtes-vous arrivée à utiliser eva ?

Je suis constamment à la recherche d’outils pour évaluer et favoriser l’autonomie des jeunes, donc quand l’Union Nationale des Missions Locales a proposé d’expérimenter eva, j’ai tout de suite été attirée par la proposition pour la MILCEM Nous avons commencé à utiliser eva en 2021, en saisissant cette opportunité avec deux groupes de 20 jeunes en Garantie Jeunes, dispositif maintenant remplacé par le CEJ.

Notre objectif était de mesurer l’impact du protocole sur les jeunes, notamment dans le cadre du parcours PACEA, et plus précisément d’utiliser eva comme outil de diagnostic de double illettrisme : l’illettrisme et l’illectronisme. Comme eva était un outil qui permettait d’identifier les compétences de littératie et numératie tout en s’intéressant aux compétences transversales des jeunes, je trouvais que c’était un outil très adapté pour nous, dans le cadre de l’expérimentation. Les ateliers étaient collectifs pour les tests de positionnement, puis les restitutions individuelles, et se déroulaient en visioconférence du fait du contexte sanitaire. Et comme on est sur le parcours double illettrisme, ils passent également les tests PIX et le passeport numérique en partenariat avec la fondation Orange.

 

 

 

 Quels objectifs visez vous dans l’utilisation d’eva? 

D’abord, faire le point sur ce qui est maîtrisé par le jeune, ou non, l’objectif d’évaluation du double illettrisme que j’évoquais. Ce qui est intéressant, c’est que les entretiens que nous menons à la suite d’eva permettent de ne pas stigmatiser, ni porter un diagnostic défini sur le jeune, mais plutôt de faire le point sur les difficultés révélées par eva et de lui donner la parole. La Milcem poursuit l’utilisation d’eva car elle  ouvre sur des pistes métiers, ce qui permet d’orienter les jeunes sur un parcours de suivi ou de formation, avec notamment l’Institut Martiniquais de formation Professionnelle pour Adultes (IMFPA).

Plus précisément, les jeunes qui étaient en difficultés par rapport aux compétences de base (degré 1 ou 2) étaient orientés vers l’IMFPA, avec un parcours formation personnalisé. Bien que l’IMFPA, a des parcours préétablis, ils ont accepté de travailler sur des parcours comprenant des modules individualisés. On cible le besoin spécifique du jeune : a-t-il besoin de renforcement en littératie uniquement, en numératie uniquement, en littératie et en numératie, sur une sous-compétence de la littératie ? Il nous semble que pour les jeunes, particulièrement ceux qui sont le plus en difficulté, il n’est pas utile de leur faire tout revoir s’ils n’en ont pas besoin. On adapte également la formation à son besoin : s’il souhaite passer un concours (pour la douane ou un poste dans l’administration par exemple), la formation porte sur les éléments nécessaires pour le concours. Enfin et surtout, on demande à ce que la formation soit adaptée à son projet professionnel, corresponde aux besoins du poste que le jeune souhaite viser et aux prérequis pour entrer en formation.

Un autre élément qui me semble essentiel est le fait que la formation se fasse en entrées et sorties permanente, pour s’adapter aux besoins des jeunes en termes de calendriers, comme c’est le cas lorsqu’il s’agit de se préparer à un concours.

Je dirais que pour nous, eva participe à ne pas remettre les jeunes en situation d’échec, mais à véritablement co-construire avec eux une formation en fonction du projet professionnel et pas seulement sur les compétences de base. Cela permet d’éviter que les jeunes décrochent, surtout pour les jeunes en 1er ou 2e degré qui ont tendance à décrocher très vite, surtout qu’ils ont souvent vécu des situations d’échec scolaire.

Et que s’est-il passé après l’expérimentation d’eva ?

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Pour vous, quelle est la valeur ajoutée perçue par les jeunes d’eva? 
 

Nous avons poursuivi cette expérimentation en 2022. On a même fait participer les jeunes puisque l’équipe d’eva avait demandé des retours de terrain sur un nouveau module. Ce sont les jeunes qui ont, suite à la passation d’eva, effectué des propositions d’amélioration de l’outil. On a ensuite voulu qu’EVA soit pleinement déployé comme outil pour les jeunes du Contrat Engagement Jeunes avec un véritable process de parcours. Les conseillers ont été formés sur EVA pour qu’ils sachent de quoi ils parlent quand ils le proposent aux jeunes. Comme le CEJ est très prenant avec 15 à 20 heures hebdomadaires pour les jeunes, EVA trouve sa place en tant qu’élément de diagnostic de départ, en entrée du dispositif. Quand ils rentrent sur le parcours, ils passent le test EVA en premier accueil et en collectif. Comme je suis chargée de projets numériques, je fais passer les tests dans l’antenne numérique, en général en collectif, soit en distanciel soit en présentiel, mais tout en restant véritablement disponible. Je suis généralement secondée par un conseiller numérique. Nous laissons aux jeunes autant de temps que nécessaire pour réaliser le parcours, et ils complètent toujours le parcours complet.

 

Puis la restitution est réalisée une semaine après en individuel, que ce soit en présentiel ou en distanciel. La restitution se fait toujours en mode tripartite : le conseiller, le jeune et moi-même. Sur les restitutions, comme il y a des préconisations, je suis là pour aider à le conseiller à trouver une base d’appui pour proposer une suite de parcours au jeune. Dans le cadre du CEJ, c’est le conseiller référent qui prend la suite sur la base de l’étude collective de la restitution.

Les jeunes repassent EVA 3 et 6 mois après le premier test, pour qu’il puisse véritablement constater son évolution. Le fait d’obtenir des résultats, donc des données factuelles, est très parlant pour le jeune et valorise son évolution.

 

 

 

 

Je vais commencer par l’exemple d’une jeune de 22 ans, qui a eu un vrai déclic en passant eva, en parcourant la liste des métiers.
Dans les propositions de métiers suite à la passation d’eva, elle avait trouvé le métier de Carreleur. Il s’est avéré que c’était un métier auquel elle pensait depuis très longtemps, mais qu’elle avait mis de côté, car elle pensait que ce métier n’était pas adapté à elle en tant que femme, et qu’il ne s’agissait pas d’un métier d’avenir. Alors, elle s’était orientée vers d’autres voies, sans trouver un métier qui lui plaisait vraiment.
Lorsqu’elle a passé eva, et a parcouru la liste des métiers en lien avec sa compétence forte, et qu’elle à vu “Carreleur” elle l’a reçu comme la révélation d’un projet qu’elle avait enfoui. Lors de l’entretien avec son conseiller, on a alors envisagé une suite de parcours vers ce métier. Puis elle a fait sa formation, eu son titre professionnel et là elle doit être en train d’exercer. La dernière fois que nous avons échangé, elle m’a dit qu’elle aimait ce métier, qu’elle était heureuse. J’ai également plein d’exemples de jeunes qui ont pu avoir leur concours parce que grâce à eva, on a pu construire une formation ciblée et adaptée. La plus-value d’eva se situe pour moi également dans la forme et le contenu: au-delà de l’aspect serious games qu’ils apprécient énormément, ils aiment le fait que les consignes soient données lentement à l’oral, que le langage soit simple, à la portée de tous, que le niveau de difficulté soit hiérarchisé, etc.

 

Par ailleurs, l’entretien leur permet d’obtenir des éléments de suite de parcours, sur les métiers associés, les compétences déjà maîtrisées. Ils apprécient parce que c’est concret. 

Certains jeunes demandent même parfois à refaire le test alors qu’ils ne sont souvent plus accompagnés. Parfois ça peut être à la demande du jeune qui voit eva comme un tremplin dans son parcours. 

 

Certains utilisent même la restitution comme un moyen de se valoriser en entretien professionnel. Déjà, cela leur permet de montrer ce qu’ils mettent en œuvre dans leurs démarches pour s’insérer professionnellement, ils montrent leur motivation. Ensuite, ils montrent les pistes métier aux recruteurs lorsque les métiers auxquels ils postulent se retrouvent dans les pistes métier d’EVA. Et surtout, ça leur permet de montrer un document qui atteste du fait qu’ils maîtrisent les compétences de base, notamment pour les FLE pour qui c’est souvent le problème, surtout dans un marché de l’emploi concurrentiel qui ne laisse pas de place pour tout le monde.

Propos recueillis en Septembre 2022