Portrait de Benjamin Genty

Temoignage de Benjamin Genty, conseiller 16-18 ans

« eva est un outil qui permet de renverser une situation de fatalisme »

illustration de bienvenue

La Mission Locale du Pays d’Aix est une grande structure avec un territoire très vaste et un public hétéroclite.

Depuis le mois de mars 2021, la mission locale utilise eva auprés du public relevant de l’obligation de formation. 

Benjamin Genty, conseiller a accepté de nous présenter son utilisation d’eva et son retour d’expérience.

eva

Benjamin Genty

Benjamin, peux-tu te présenter et expliquer ton activité au sein de la mission locale d’Aix en Provence ? 

Je travaille au sein de la mission locale du pays d’Aix depuis deux ans maintenant. Je suis référent sur l’obligation de formation depuis ce début d’année, c’est un dispositif pour les jeunes de 16-18 ans, essentiellement des décrocheurs, avec souvent des parcours difficiles, des souffrances et des problématiques. Mon rôle est principalement de remobiliser les jeunes, d’ouvrir le champ des possibles et de trouver des solutions personnalisées pour qu’ils puissent reprendre leurs parcours en main et qu’ils deviennent autonomes le plus rapidement possible. On travaille également beaucoup sur la sécurisation financière qui est très importante pour permettre une re-mobilisation sans être pollué par des freins périphériques, notamment liés aux conditions d’existence. Les solutions et propositions innovantes sont également essentielles pour capter l’attention de ce public et nous nous efforçons d’être force de proposition à ce sujet.

L’obligation de formation est un dispositif qui a démarré en janvier 2021 et qui amène un changement fondamental, exposant que la scolarité ou l’obligation de parcours professionnel  est étendue jusqu’à 18 ans. C’est essentiel dans le plan de la lutte contre la pauvreté, car cela permet à un public éloigné de l’emploi avec des souffrances et des difficultés, de travailler tôt sur les freins et les atouts qu’ils peuvent avoir pour ouvrir les perspectives et leur donner la chance de partir dans un projet, avec aussi le droit de se tromper, de changer d’avis, d’évoluer, etc. 

Comment as-tu découvert eva et comment l’as-tu mis en place ? 

On a tellement de chantiers en cours avec le doublement de la Garantie jeunes, que l’on a fait le choix, à la mission locale du pays d’Aix, de concentrer la phase de test d’eva sur mon public des 16-18 ans. C’est un public intéressant, car l’outil est ludique et sympathique et permet de voir à un moment donné quel est le niveau du jeune, mais aussi ses points forts et axes de progression. Ça permet d’ouvrir les perspectives, de lui montrer qu’il a des qualités et que celles ci sont aussi transposables dans le monde du travail, elles peuvent être le point de départ d’un projet d’orientation, d’un projet professionnel et qu’à partir de là on va travailler sur des pistes de métiers

J’ai déployé eva auprès de mes jeunes progressivement. J’ai fait une première phase avec deux jeunes où j’ai testé l’outil, mais aussi mon organisation, ma manière de gérer mon animation. C’est aussi important de créer une dynamique, que le jeune soit accompagné sans être trop intrusif, qu’il avance, et que quand il a besoin, je sois là. Les jeunes doivent être vraiment concentrés et investis. Ensuite, je suis monté en régime je l’ai fait avec 3 puis 4 jeunes, 4 étant le maximum pour moi car j’ai des jeunes de 16-17 ans qui demandent quand même un appui. J’ai 4 tablettes que je mets à disposition. 

Maintenant je suis sur un atelier une fois par semaine, quand les conditions sanitaires ne le permettent pas, je ne préfère pas faire l’atelier en distanciel étant donné le public que j’accompagne. Au-delà de cette systématisation d’atelier en petit groupe j’ai aussi mobilisé eva une fois en individuel avec une jeune qui avait un projet très précis. 

J’ai fait le choix de coupler eva sur un atelier avec Métier 360, qui est un outil de découverte des métiers au travers d’un casque de réalité virtuelle. Cela permet de passer le test avec eva et puis d’utiliser les résultats, et notamment des pistes de métier proposé à la fin, pour échanger avec le jeune et ensuite sélectionner des films qu’ils vont regarder pour voir si ça correspond aux attentes qu’ils se font du métier. Et si oui, on va avancer sur la construction du travail professionnel en testant les métiers, parfois via des immersions.

photo avec filtre de jeunes personnes sur eva

Quelle est la valeur d’eva dans le cadre de ton accompagnement ?

En plus de l’aspect découverte des métiers mentionnés juste avant, eva permet d’autres possibilités. Par exemple, quand il y a un projet professionnel identifié et que l’on se demande si le projet est adapté ou si l’on doit envisager une phase intermédiaire, comme une remise à niveau. Avec eva, on va aussi essayer de faire prendre conscience au jeune, dès le départ, de ce qu’est le métier qu’il vise, quelles sont les attentes et qu’est ce que ça requiert comme compétences, tant en terme de savoir-faire et savoir-être, et si il y a besoin d’une remise à niveau, d’une certification, etc. 

C’est important d’en parler avec le jeune avec franchise, savoir s’il va avoir le niveau pour son projet sinon s’il se retrouve en difficulté, il va faire face à des grosses désillusions. Par ailleurs avec eva, on va pouvoir vraiment aller de l’avant avec le jeune dans la valorisation. C’est vraiment un outil qui permet de renverser la période de souffrance, de fatalisme, même si le jeune a connu des échecs et des difficultés, ses qualités et ses compétences ne sont pas remises en question. Il ne faut pas dénigrer ce qu’il sait faire aujourd’hui. On va ainsi pouvoir bosser avec lui sur comment mieux le valoriser, en tirer partie, et prendre conscience de son potentiel.

Comment mobilises-tu l’outil ? 

J’ai fait le choix d’utiliser eva seulement sur les tablettes. C’est vraiment l’aspect ludique qui me plaît avec eva, on n’est pas dans un examen et la tablette c’est vraiment un bon support, car les jeunes vont pouvoir s’installer dans un fauteuil et pas forcément sur une table. J’y tiens beaucoup, car cela casse la logique de l’école avec laquelle mes jeunes sont souvent réticents. Par ailleurs je peux aussi utiliser les tablettes lorsque je fais des actions hors les murs par exemple avec des partenaires, que ce soit des relais sociaux ou bien des éducateurs dans les foyers, la PJJ, la maison jeunesse et sport, etc.
Concernant les restitutions, j’imprime souvent aux jeunes la feuille de résultat et la liste des métiers pour chaque compétence mises en valeur pour leur permettre de voir s’ il y a des métiers qui ressortent dans les deux listes, et échanger avec eux là dessus.
La restitution des résultats j’aime bien aussi la partager avec mes collègues des autres structures dans lesquelles le jeune gravite, car ça permet de travailler ensemble sur des pistes et solutions auxquelles je n’aurais pas pensé moi même.


Après bien sûr, eva ne répond pas à toutes les situations, ce n’est pas l’alpha et l’oméga. Il faut savoir personnaliser à chaque fois l’outil et les résultats. J’ai eu des échecs avec eva, qui sont principalement liés au parcours de certains jeunes. Je pense à un jeune en particulier qui n’était pas investi du tout et que j’espérais attirer par le jeu et ça n’a pas pris, car la passation d’eva était trop angoissante pour lui, et même si c’est ludique c’est parfois difficile d’arriver à minimiser le côté examen qui peut être perçu comme un outil de positionnement. Donc quand je vois que eva ne correspond pas, je vais trouver d’autres solutions qui seront plus appropriées. Ou bien le coupler avec d’autres outils, comme Métiers 360, des escapes games, ou encore Diagoriente. Je dis souvent aux jeunes que j’ai une boîte à outils et que je vais piocher dedans en fonction d’eux, et pas l’inverse.

As-tu des belles histoires à raconter dans ton utilisation d’eva ? 

Oui absolument eva m’a permis d’avoir des bonnes surprises! Certains jeunes ont un gros manque de confiance avec une souffrance marquée, et quand ils commencent à utiliser l’outil, on remarque une grande aisance, une facilité d’utilisation et une manière de percuter qui peut vraiment surprendre. Par exemple, je pense à un jeune issu de la communauté des gens du voyage, qui n’avait jamais été scolarisé, à qui j’ai fait passer eva. Alors que j’avais des gros doutes sur son niveau de français, il a m’a bluffé au jeu du classement des mots français et pas français. Il était très rapide tout en étant au plus juste en ciblant les bonnes réponses. Sa restitution indiquait un niveau de français intermédiaire et niveau de maths excellent, et du coup avec les compétences transversales je lui ai dit ‘tu as presque tout’! C’est hyper motivant, car après on a pu confirmer son projet, et même ouvrir les perspectives à venir. Je lui ai dis qu’après, il pourrait avoir envie de monter son entreprise pour faire du multi service, on a pu ouvrir le champ des possibles ! 

 

J’accompagne aussi des publics MNA (mineurs non accompagnés, public étranger), dont quelques-uns avec un niveau de français assez moyen, et qui ont très souvent un sentiment d’infériorisation de ce qu’ils sont. La semaine dernière j’ai fait passer eva à un de ces jeunes en ne sachant pas du tout ce que ça pouvait donner, en ayant en plus une pression extérieure forte de devoir très vite lui trouver une situation pour lancer les papiers. Alors qu’il avait refusé plusieurs pistes d’orientation, on envisageait de lui proposer une alternance en logistique. Les résultats d’eva sur les compétences transversales étaient bien meilleurs que ce que je redoutais, et ça nous a permis de faire le lien avec un partenaire entreprise qui était hyper exigeant. Grâce aux résultats d’eva on fait le pari de lui présenter le profil du jeune, et eva a permis au jeune de gagner en confiance, de faire en sorte qu’il n’ait pas trop la pression malgré le contexte. Ça fait 10 jours maintenant qu’il a démarré une PMSMP dans l’entreprise qui nous a dit qu’il était très satisfait, que le jeune avait une volonté incroyable et qu’ils étaient prêts pour signer le contrat d’apprentissage. C’était un jeune qui cherchait du sens, et eva nous a permis dans ce cas précis de permettre de confirmer une piste de projet qui était sérieuse pour lui, et qui fonctionne. En tant que conseiller, c’est vraiment ce type de situation où on va retourner une tendance qui nous donne du sens à notre mission. J’essaye toujours d’avoir ces petites victoires du quotidien, c’est essentiel de trouver des moyens de les valoriser et eva est un outil dans cette philosophie.

Comment pensez-vous poursuivre l’utilisation d’eva au sein de la mission locale du Pays d’Aix ? 

En plus de l’utilisation d’eva sur mon public, j’ai des collègues qui sont intéressés pour utiliser eva en Garanties Jeunes. Ce sera alors une utilisation différente, car ce sera des profils qui seront plus avancés, mais on pourra aussi travailler sur le projet de fin de la Garantie Jeunes pour voir ce qui va se passer et ce qui peut découler derrière en ouvrant le champ des possibles. J’aime expliquer aux jeunes que le champ des possibles ça peut être quelque chose de très large ou de très ciblé selon le souhait du jeune et c’est à nous d’apporter notre expertise pour voir si le projet est réalisable et comment. 

Propos recueillis en juin 2021